Le PS doit en finir avec le sacro-saint « front républicain – Le MONDE

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Par Yann Galut (député PS du Cher, cofondateur de la Gauche forte), Patricia Schillinger (sénatrice PS du Haut-Rhin, cofondatrice de la Gauche forte) et Alexis Bachelay (député PS des Hauts-de-Seine, cofondateur de la Gauche forte)

Le « front républicain » n’a plus lieu d’être et l’élection législative partielle de la circonscription de Villeneuve-sur-Lot le confirme. Les cofondateurs de la Gauche forte appellent le Parti socialiste (PS) à changer de logiciel. L’automaticité de l’appel au vote UMP lorsqu’aucun candidat de gauche n’est présent au second tour ne saurait être de mise quand les deux candidats en présence partagent des discours communs que le Parti socialiste ne saurait cautionner, et quand cette logique de front fait preuve d’une inefficacité patente.

Le temps de Jacques Chirac qui prônait la méfiance et le rejet de tout pont avec le Front national (FN) est bel et bien révolu. Les années Sarkozy ont brisé la digue déjà fragile entre les partis de droite et ont contribué à légitimer le vote FN, par le développement des thématiques frontistes, entretenant les discours de haine et jouant sur les peurs des Français. L’UMP nage désormais en eau trouble et baigne ses électeurs dans la confusion.

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Si en 2002 l’appel au front républicain se soldait par un score écrasant de plus de 80 % sur le FN, les timides 53 % de dimanche 23 juin traduisent trop évidemment les effets dangereux de la dérive droitière de l’UMP. La main tendue par des élus PS n’a été saisie qu’avec mollesse par Jean-Louis Costes et les responsables nationaux du parti d’opposition. En outre, elle n’a pas eu les conséquences espérées. Le résultat du Front national révèle que l’électorat n’est plus aussi réticent aux discours nationalistes et xénophobes puisqu’il est prêt à accorder près de la moitié de ses suffrages à un candidat qui les défend.

EXAMINER CHAQUE ÉLECTION AU CAS PAR CAS

Ce résultat en forme de couperet doit conduire à se méfier de toute alliance irréfléchie avec l’UMP, alors que la ligne de faille se déplace de plus en plus vers le centre-droit. Une redéfinition de la stratégie du Parti socialiste apparaît nécessaire. Les consignes de vote, de moins en moins suivies par les citoyens déboussolés par la ligne Buisson et ses variantes, ne doivent plus être définies par la systématicité de l’appel au report, au nom d’un front républicain qui relève de plus en plus du mirage.

Alors que la fracture idéologique entre la gauche et la droite s’accroît, appeler automatiquement à voter UMP conduit à nier cette réalité et à valider le discours populiste du FN qui dénonce une pseudo association des « partis de gouvernement », alliés pour lui nuire, se posant ainsi comme le bouc-émissaire, la victime d’un système « pourri » fait d’alliances irrévocables. Il importerait en effet d’examiner chaque élection au cas par cas et de considérer — en cas de second tour UMP-FN — le candidat qui se présente à travers son discours, à travers les valeurs qu’il promeut, et non plus comme le simple représentant d’un parti dit républicain.

LE COÛT DE LA COMPROMISSION

Il est essentiel de redonner sa signification à la notion de front républicain et de la conditionner à l’adhésion pleine et entière aux principes des candidats que nous serions conduits à soutenir. Cela aurait notamment le mérite de clarifier la position idéologique du Parti socialiste aux yeux de ses électeurs et vis-à-vis de l’ensemble de nos concitoyens : le coût de la compromission est trop important pour qu’il soit pris à la légère.

L’alarme que ce vote constitue nous incite à poursuivre nos efforts de pédagogie en faveur de l’action gouvernementale pour redonner confiance aux Français. François Hollande s’attache de façon pragmatique, depuis un an, à recréer du lien social et à redynamiser la croissance par son action en faveur de l’emploi, à l’échelle européenne notamment. La politique qu’il impulse, dans un contexte difficile, porte les valeurs de la gauche et il faut le soutenir, lutter contre la défiance entretenue par l’UMP.

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Le malaise des citoyens est réel mais les efforts pour y répondre ne seront pas vains si nous nous y attelons avec constance. La solution passe par une lutte de chaque instant contre la stratégie électoraliste de banalisation des idées d’extrême droite, stratégie qui ne sera payante qu’à court terme et que mène pourtant une partie de plus en plus importante de l’UMP. Elle repose également sur les grands projets de réforme que portent les socialistes, qui renforcent le devoir d’exemplarité des élus ainsi que des contribuables.

Loin de chercher à masquer la distance qui s’accroît entre le PS et l’UMP, et dont Nicolas Sarkozy porte une part de la responsabilité, nous devons nous battre pour la marquer. Cela passe par le refus d’un front républicain qui n’aurait de républicain que le nom.

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