Retour sur la Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes

La DIPLPEJ a rendu ses conclusions à la Ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn. Nommée au sein de cette délégation interministérielle, j’ai notamment défendu 3 propositions : le versement de l’allocation familiale dès le premier enfant, le développement élargi des points conseil budget et un accès à la cantine scolaire facilité pour tous.

Après plusieurs mois de concertation entre les acteurs de la société civile et les pouvoirs publics, le Délégué Interministériel à la Lutte et à la Prévention contre la Pauvreté des Enfants et des Jeunes, Olivier Noblecourt a rendu le 15 mars dernier ses propositions à la Ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn.

S’appuyant sur six groupes dédiés, la Délégation Interministérielle a travaillé autour de six axes :

  • Éradiquer la pauvreté des enfants ;
  • Prévenir la vulnérabilité des jeunes et favoriser leur insertion ;
  • Développer l’accompagnement global et les leviers de prévention de la pauvreté ;
  • Non recours, accès aux droits et aux services ;
  • Lutter contre l’exclusion ;
  • Piloter la lutte contre la pauvreté à partir des territoires.

Chacun des axes de travail a abouti à des propositions qui répondent aux enjeux de sa thématique.

Nommée par le Délégué interministériel pour travailler au sein du troisième groupe, j’ai participé à la concertation autour du thème « Développer l’accompagnement global et les leviers de prévention de la pauvreté » et à la formulation de propositions y répondant.

L’allocation dès le premier enfant : sujet à prioriser

Dans le cadre du travail du groupe j’ai insisté pour qu’une proposition soit considérée comme préalable à l’efficacité d’un plan pauvreté qui cible les enfants et les jeunes : le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Suite aux échanges, le groupe 3 a souhaité que cette réforme soit inscrite comme préalable aux autres propositions formulées.

Cette proposition prend en compte un contexte particulièrement différent de celui dans lequel ont été pensées les allocations familiales. En 1939, le texte qui renforce la progressivité du barème pour les allocations à partir du 3ème enfant, et supprime l’allocation au premier enfant au profit d’une prime à la première naissance affiche un objectif nataliste clair.

De nos jours la politique familiale au sens large affiche davantage comme objectif premier de « contribuer à la compensation des charges financières de famille ».

De nos jours les familles sont particulièrement touchées par les problématiques de pauvreté (les deux tiers des personnes pauvres vivent dans un ménage avec des enfants, 40 % sont en couple et 25 % vivent dans une famille monoparentale, voir le graphique 1 ci-dessous) et l’âge du premier enfant ne cesse de reculer depuis les années 1990 (passant de 28,5 ans en 1992 à 30,4 ans en 2015), l’allocation familiale accordée dès le premier enfant aurait pour but de soutenir les familles et de garantir plus de clarté et la possibilité d’anticipation budgétaire à partir de la première naissance.

 

Graphique 1 : Profil des couples en situation de pauvreté, Source : Observatoire des inégalités

 

Demandée par plusieurs associations (dont l’UNAF et le Secours Catholique), cette mesure ferait sortir la France de son statut « d’exception européenne » en la matière.

Ayant exercé une activité professionnelle en Suisse pendant 20 ans, (pays où l’équivalent de l’allocation familiale est versé à partir du premier enfant du ménage), j’ai depuis la conviction que ce système introduirait plus de clarté dans le dispositif d’allocation familiale et aiderait les budgets de l’ensemble des familles.

A l’issue de ce travail le groupe 3 a notamment identifié trois autres axes prioritaires en lien avec sa thématique.

Inclusion bancaire

Sur l’axe de l’inclusion bancaire, le constat à fin 2017 est un nombre de 790 000 foyers français en situation de surendettement. Ce nombre regrettablement haut, est cependant à la baisse depuis début 2016 et qu’un nombre de 900 000 foyers se trouvaient dans cette situation. Cette baisse semble être la conséquence des efforts via la mise en place de dispositifs de lutte contre les entrées et pour favoriser les sorties de situation de surendettement (cf. rapport de la Banque de France sur le surendettement, lien en bas de page) ces dernières années.

Pour poursuivre les efforts menés et continuer d’avancer sur ce terrain, la délégation fait deux propositions complémentaires. L’une vise au renforcement du dispositif des Points conseil budgétaire (PCB).  La généralisation des PCB a pour but d’accompagner les personnes en difficultés financières et de prévenir les situations de surendettement. Cette mesure constitue une véritable volonté d’accompagner et de soutenir les personnes en situation d’endettement et de surendettement à travers le dispositif.

En parallèle, le groupe de travail souhaite renforcer la transparence sur les pratiques bancaires pour encourager davantage les acteurs à mettre en œuvre des pratiques favorisant l’inclusion bancaires des publics en difficulté. Pour cela la Délégation interministérielle a préconisé la levée de l’anonymat du rapport sur les pratiques bancaires publié chaque année par l’Observatoire de l’Inclusion Bancaire (OIB). Cette mesure incitative en direction des acteurs bancaires vient compléter la mesure de soutien aux publics en difficulté.

Faciliter l’accès à la cantine scolaire

Au collège les élèves issus de familles défavorisées sont deux fois plus nombreux (40 % en 2016) à ne pas manger à la cantine que les élèves issus de familles favorisées (22 %) et très favorisées (17 %).

Or, le repas à la cantine constitue un point d’appui central pour les politiques de santé publique et les politiques de lutte contre la pauvreté : il permet à l’enfant de bénéficier d’au moins un repas complet et équilibré par jour. Ce repas favorise également le bon déroulement des apprentissages et participe à l’apprentissage du vivre ensemble. Faciliter l’accès à ce repas devenu « norme sociale » permet également de lutter contre les discriminations.

Du côté des acteurs publics, l’obstacle économique est le plus mis en évidence par les travaux existants. Selon une étude de l’UNAF (2014), 31 % de 1 700 communautés de communes interrogées offrant un service de restauration, prenaient en compte la composition ou les revenus de la famille. Cette proportion est bien plus importante au sein des communes de moins de 10 000 habitants dont seulement un tiers pratique une tarification modulée.

En réponse à ce constat et pour inciter les petites communes à faciliter pour tous l’accès à la cantine, deux pistes ont été retenues par la DIPLPEJ en termes de financement :

  • Le redéploiement d’une partie des déductions fiscales attribuées aux grandes surfaces qui donnent leur surplus aux associations 60 % aujourd’hui) vers un fonds de financement des cantines pour aider les communes les plus pauvres et les plus petites ;
  • La mise en place d’un dispositif incitatif en fonction du nombre d’élèves scolarisés au sein de la dotation de solidarité rurale (dont une partie est déjà ciblée parmi les 10 000 communes les plus pauvres).

Répondant à des enjeux clairement identifiés d’inégalités d’accès à l’alimentation chez les enfants à l’école élémentaire, et à soutenir les collectivités les plus contraintes, cette proposition vise donc, en rendant la cantine accessible à tous, à s’appuyer principalement sur l’alimentation scolaire et les acteurs qui la coordonnent pour corriger tant que possible ces inégalités.

Encourager les expérimentations territoriales

Dans le cadre de ce groupe de travail une volonté a émergé au fil des discussions : expérimenter de nouvelles solutions et développer plus largement certaines expérimentations en cours. Pour satisfaire cette ambition, l’aspect financier est incontournable. Ainsi, une solution serait la mise en place d’un fonds national consacré aux innovations sociales de prévention et lutte contre la pauvreté. S’inspirant du fonds d’expérimentation pour la jeunesse, ce fonds permettrait aux acteurs publics et de la société civile de développer des actions sociales innovantes, au plus près des besoins du terrain.

Pour favoriser les capacités d’innovation des acteurs du champ de la lutte contre la pauvreté, la DIPLPEJ invite le gouvernement à la création d’un fonds de soutien à la lutte contre la pauvreté et les exclusions sociales qui viserait à financer les innovations expérimentations sociales en matière de prévention de la pauvreté des enfants.

 

Quels que soient les chantiers prochains trois principes sont de mon point de vue à privilégier pour rendre plus efficace notre système social : simplifier pour plus de clarté de l’action publique, viser la cohérence globale tout au long du parcours de vie et recourir à des moyens tirés du droit commun évitant les biais de stigmatisation.

Le travail de lutte et de prévention contre la pauvreté, lancé par cette délégation interministérielle fait partie des grands chantiers à venir pour ce quinquennat. La prochaine étape de ce travail est l’arbitrage qui sera fait par le Gouvernement parmi les nombreuses propositions formulées par la Délégation. Pour la suite, il s’agit d’un combat que l’ensemble des acteurs doit mener ensemble face auquel je reste particulièrement sensible et attentive aux mesures qui seront entreprises.

 


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