Projet de loi Dialogue social et Emploi

Lundi 22 juin 2015

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Madame la Ministre, Mes cher(e)s collègues,

Ce texte présenté aujourd’hui s’inscrit dans la continuité des actions du Gouvernement en faveur du dialogue social. Le Gouvernement n’a cessé, ces trois dernières années, d’accorder une place centrale au dialogue social dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques en matière d’emploi, de travail et de formation professionnelle.

Ces trente dernières années, le processus constant de la mondialisation dans lequel notre économie est engagée, place ses acteurs en situation de concurrence accrue et les encourage à rechercher une rentabilité des capitaux sur du court terme.

Comme je l’avais souligné avec mon collègue Joël BOURDIN, dans mon rapport sur le Pacte social, ce libéralisme a engendré une plus grande flexibilité du travail, bouleversant ainsi profondément le pacte social dans l’entreprise. Bien souvent, les jeunes et les seniors sont les premiers à subir les mécanismes de marché. Un véritable malaise s’est installé progressivement dans l’entreprise avec d’un côté, des inégalités salariales qui se creusent et, de l’autre, des salaires qui stagnent. Cette situation est liée au développement d’emplois atypiques, à la persistance du chômage, à l’effet des restructurations du tissu d’entreprises et à l’envolée des plus hautes rémunérations salariales.

Dans le même temps, en France, trop peu de salariés s’engagent dans un syndicat ; ils sont donc peu représentés.

Face à ce constat, le Gouvernement depuis son arrivée s’est attaché à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour favoriser le marché du travail. La loi de sécurisation de l’emploi comprend, par exemple, le compte personnel de formation, les droits rechargeables à l’assurance chômage, la modulation des cotisations patronales selon les contrats. Il a également réformé la formation professionnelle à l’emploi et à la démocratie sociale, la lutte contre la concurrence sociale déloyale et a mis en place plusieurs dispositions concernant les Conseils de prud’hommes, l’inspection du travail, et la création du pacte de responsabilité et de solidarité.

Le projet de loi actuellement en discussion s’inscrit dans la continuité de ces précédentes mesures en apportant un renouveau dans le dialogue social. Il s’agit, en effet, d’accorder de nouveaux droits aux salariés et à leurs représentants, de simplifier le dialogue social, de le rendre plus efficace, et surtout de valoriser le travail. On ne peut que s’en féliciter.

Par ailleurs, le Gouvernement considère que le dialogue social dans l’entreprise peut être réformé dans une logique gagnant/gagnant. Nous ne devons pas oublier que moderniser le dialogue social c’est permettre à l’entreprise de réaliser de meilleures performances.

Le projet de loi comporte donc un certain nombre d’avancées, notamment pour les 4,6 millions de salariés des TPE auxquels il offre enfin une représentation par la mise en place des Commissions paritaires régionales.

Celles-ci permettront d’encadrer le dialogue social, dans toutes les entreprises, même les plus petites, et de le rendre effectif, plus clair et globalement repsonsable. Lors de la discussion de ce texte, nous vous proposerons des amendements qui rétabliront l’obligation de créer ces Commissions, et non de les rendre facultatives.

Une commission régionale interprofessionnelle, composée de 10 salariés et de 10 employeurs de TPE, sera instaurée dans chacune des 13 futures grandes régions et Outre-mer. Elles pourront donner des conseils aux salariés et aux employeurs en matière de droit du travail et auront également des fonctions d’information et de concertation sur l’emploi et la formation. Elles n’auront évidemment aucun droit d’ingérence dans la marche de ces entreprises, mais permettront aux salariés de très petites entreprises de bénéficier, eux aussi, d’une forme de représentation.

Cette disposition suscite des inquiétudes auprès de certains employeurs quant au fait que des personnes étrangères puissent accéder à l’entreprise. Aussi, je souhaite rappeler que les membres des commissions n’auront accès à l’entreprise que sur autorisation de l’employeur. Le dernier mot revient donc bien à l’employeur.

Ce texte reconnait l’engagement des syndicalistes et de tous les élus.

Les taux de syndicalisation relevés par l’OCDE pour les années 2012 et 2013 sont très révélateurs : la Belgique et les pays du Nord dépassent largement 50 %, l’Italie atteint 37 %, l’Allemagne et l’Espagne 18 % et la France 7,5 %, soit à peine mieux que l’Estonie. Pour lutter contre la crise des vocations syndicales, laquelle est, comme vous le savez, préjudiciable pour le dialogue social, il est donc prévu de valoriser les parcours professionnels des élus et délégués syndicaux dans les entreprises, avec un élargissement des heures de délégations. On ne peut que s’en féliciter.

Le dialogue social sera également plus paritaire : la parité hommes-femmes est renforcée ainsi que le respect des obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle. Ma collègue développera plus longuement ce point.

Je salue l’amélioration qui a été votée à l’Assemblée Nationale concernant la présence des salariés dans les conseils d’administration. En effet, en supprimant la condition de la mise en place du Comité d’entreprise pour les entreprises de plus de 50 salariés, le dispositif relatif aux administrateurs sera réellement effectif car ils pourront être présents dans les holdings, employant moins de 50 salariés, et souvent le haut lieu des décisions. En ce qui concerne la participation des administrateurs salariés, nous vous proposerons de revenir sur le même seuil qui a été voté à l’Assemblée Nationale c’est-à-dire 1.000 employés, contre 5.000.

Autre amélioration du texte : un minimum de 20 heures de formation par an est prévu pour les administrateurs salariés.

Ce texte de loi permet aussi de rendre le dialogue social plus efficace. Actuellement 17 obligations d’information et de consultation du CE existent. Elles seront maintenant regroupées en 3 grands rendez-vous et porteront sur la situation économique de l’entreprise, sur sa situation sociale et sur ses orientations stratégiques.

Ce texte propose aussi d’adapter les règles de la représentation au nombre de salariés de l’entreprise. Il élargit aux entreprises comptant jusqu’à moins de 300 salariés la Délégation unique du personnel (DUP) qui existe déjà dans les entreprises entre 50 et 200 salariés. La DUP, permettant de regroupper délégués du personnel et comité d’entreprise, sera élargie au Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il s’agit bien d’un regroupement et non d’une fusion : chaque institution conserve l’ensemble de ses attributions. Ainsi, le CHSCT, conserve la personnalité morale et aura toujours la capacité d’ester en justice.

Autre avancée concernant la santé au travail et la pénibilité : la suppression de la transmission de la fiche pénibilité chaque année à la Cnav à compter de 2020. Cette fiche sera transformée en fiche d’exposition, des référentiels de branche seront négociés et élaborés par poste de travail et par métiers. C’est la CARSAT qui comptabilisera les droits.

Je tiens à saluer le vote à l’Assemblée Nationale concernant la reconnaissance du burn out. La Commission des Affaires sociales a supprimé cette reconnaissance. Nous vous proposerons un amendement qui permettra de préserver la possibilité de reconnaître certaines pathologies psychiques comme maladie professionnelle.

La grande avancée de ce texte tient également à la création d’une prime d’activité à compter du 1er janvier 2016. Elle doit encourager l’activité et le retour à l’emploi. 5,6 millions de personnes, dont 1,2 millions de jeunes, seront éligibles à cette prime. Elle cible les travailleurs qui gagnent entre 900 et 1300 euros par mois. Un suivi de l’impact de la mesure est également prévu. Ainsi, la nouvelle prime sera plus simple d’accès, versée chaque mois et ouverte aux jeunes. Ceux qui travaillent mais qui ne gagnent pas assez pour vivre correctement pourront ainsi assumer les charges nouvelles générées par leur reprise d’activité.

La mesure concernant le compte personnel d’activité scellera l’avènement de la sécurité sociale professionnelle réclamée par les syndicats depuis trente ans. Ce compte d’activité regroupera tous les droits reconnus au salarié c’est-à-dire les comptes formation, pénibilité et épargne-temps et le suivi tout au long de sa carrière professionnelle.

Pour en finir avec les crises successives relatives au statut des intermittents du spectacle, le Gouvernement reconnaît la légitimité du caractère exceptionnel de l’intermittence et créer un nouveau mode de négociation des règles d’assurance-chômage, de manière à prévenir, au travers du dialogue social, la survenance de nouvelles crises.

Pour lutter contre le chômage de longue durée, le Gouvernement met en place le contrat “nouvelle chance”. C’est un nouvel outil, mieux adapté aux demandeurs d’emploi peu qualifiés. Il constituera une passerelle pour le retour à l’emploi après une formation de 24 mois maximum.

En matière de Dialogue social, j’ajouterai, ici, l’importance d’une formation pour les managers. Il faut insister sur le dialogue et la confiance. Mettre du dialogue social là où il n’y en a pas. Cela nécessite de la part des DRH, une vision stratégique du dialogue social. Il faut accompagner les managers et les salariés avec de l’information, de l’explication, une compréhension des objectifs de l’entreprise, une stratégie d’entreprise et un rêve partagé. C’est essentiel.

Par ailleurs, nous devons nous aussi, au Sénat et à l’Assemblée Nationale, promouvoir le dialogue social pour faire avancer la situation de nos collaborateurs. Ceux-ci n’ont toujours pas de convention collective, alors que le dialogue social permet principalement d’édicter des conventions collectives. En tant qu’employeur, il est crucial d’organiser notre représentation collective. Monsieur le Ministre, vous connaissez très bien le sujet et il faudra un jour avancer sur ce sujet.

Pour conclure, ce texte constitue un véritable progrès social. Il garantit la représentation de tous les salariés, il vise à soutenir l’activité des travailleurs modestes avec la création de la prime d’activité, il tend à favoriser le retour à l’emploi et poursuit l’effort engagé pour sécuriser les parcours professionnels des travailleurs, qu’ils soient en emploi ou en recherche d’emploi.

Notre pays doit se moderniser en matière de dialogue social. Celui-ci n’est pas un frein à la compétitivité ; et la simplification ne signifie pas recul des droits des salariés. Contrairement à ce que l’on constate chez nos voisins européens tels que l’Allemagne ou les pays d’Europe du Nord, le dialogue social et la participation des salariés aux instances de décision sont souvent perçus par les employeurs français comme des contraintes et non comme une plus-value.

Nous devons apporter un nouvel élan aux relations avec les partenaires sociaux. Cette démarche est d’autant plus pertinente que la Commission européenne a annoncé dernièrement qu’elle souhaitait, au lendemain de la crise, donner un nouvel élan aux relations avec les partenaires sociaux. Ces relations sont déterminantes dans la mise en place d’une nouvelle gouvernance économique.

Je sais que ce texte de loi a suscité des inquiétudes chez les TPE-PME. Mais, une nouvelle fois, ce qui prime dans ce texte, c’est la volonté du Gouvernement de favoriser l’activité et l’emploi dans les entreprises. Les mesures permettant de faciliter l’embauche du premier salarié, l’assouplissement dans l’utilisation des contrats de travail, la levée des inquiétudes liées au recours aux prud’hommes, la lutte contre la fraude et l’encouragement à franchir les seuils, sont des dispositions en faveur des entreprise et de l’emploi.

Jamais auparavant, on n’avait vu un Gouvernement s’engager si fortement. Ce texte marque véritablement un progrès social.

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