Dialogue social et Emploi : explication de vote

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Madame la Ministre, Mes cher(e)s collègues,

Avant de commencer, je souhaite saluer le travail que vous avez accompli Monsieur le Ministre. Vous aviez à cœur, tout au long de l’élaboration de ce texte, de maintenir l’équilibre entre les positions tenues par les représentants des salariés et des employeurs, et celles tenues, ici même, par cette assemblée. Cependant, la Commission des affaires sociales a modifié certaines mesures essentielles du texte, bouleversant ainsi l’équilibre auquel vous étiez attaché.

Je pense, par exemple, à l’article 1. La majorité du Sénat a retiré le caractère obligatoire à la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles voulues par le gouvernement afin de représenter les salariés et les employeurs des très petites entreprises. La création de ces commissions répond à une exigence forte en matière de représentativité et de dialogue social. Elle constitue une avancée, non seulement pour les salariés des TPE, jusque-là non représentés, mais aussi pour les entreprises elles-mêmes. C’est ce progrès qu’avec le Groupe socialiste du Sénat nous soutenons. Or, les amendements adoptés aboutissent à un véritable recul car les CPRI ne seront plus mises en place par la loi mais au terme de négociations.

Aussi, dans ce contexte, le groupe socialiste ne peut que s’abstenir sur ce texte qui, dès le premier article, trahit son objectif initial et réduit la portée du dialogue social.

Je regrette que la majorité du Sénat ait une vision négative du dialogue social, alors que celui-ci permet, au contraire, d’anticiper les conflits, de régler les problèmes avant qu’ils ne dégénèrent.

La preuve en est qu’à la suite de l’adoption de la loi de 2013, les plans sociaux présentant un caractère conflictuel sont passés de 30 % à 8 %. Le dialogue social est un levier d’efficacité, c’est encore ce qu’ont reconnu les branches de l’artisanat dans un accord du 12 décembre 2001. C’est aussi ce qui ressort de sa mise en œuvre dans les domaines de l’agriculture ou des professions libérales.

Le dialogue social n’est pas un frein à la compétitivité, et simplification ne signifie pas pour autant régression des droits des salariés. Comme je lai déjà évoqué, chez nos voisins européens, en Allemagne ou dans les pays d’Europe du Nord, le dialogue social et la participation des salariés aux instances de décision sont perçus par les employeurs comme une plus-value et non comme une contrainte. La majorité sénatoriale devrait s’efforcer, sur cette question, de faire preuve de modernité.

Ce nouvel élan porté par le Gouvernement s’inscrit dans le droit fil des objectifs que s’est fixée la Commission européenne, qui a récemment annoncé qu’elle souhaitait donner une nouvelle impulsion aux relations avec les partenaires sociaux.

Dans les domaines du droit du travail et la négociation collective, les initiatives prisent par la majorité du Sénat dénaturent complètement le texte :

Par exemple, le regroupement des IRP pourra se faire dès le seuil de 50 salariés au lieu de 300, alors le seuil de trois cents salariés que le Gouvernement avait retenu permettait un distinguo entre les petites et les moyennes entreprises au regard de la représentation.

De plus, la suppression du monopole syndical de désignation des candidats au premier tour montre un véritable recul, alors que l’objectif de ce texte est de revaloriser l’engagement syndical en suscitant des vocations. Autre recul : la limitation du recours aux experts par le comité d’entreprise.

Le report de la mise en place complète du compte pénibilité, au 1er janvier 2018 n’avait pas lieu d’être, tandis que la suppression du caractère paritaire des listes de candidats aux Conseils de Prud’hommes atteste encore de l’hostilité de la majorité sénatoriale à toutes mesures allant dans le sens d’un progrès social.

Nous regrettons, aussi, que la majorité du Sénat n’ait pas voulu reconnaître le burn-out comme une maladie professionnelle, alors que ce mal touche un nombre important de salariés. Il s’agissait là d’un véritable progrès.

Ainsi, une partie de la droite sénatoriale s’est obstinée à détricoter le texte en modifiant profondément les dispositions concernant les instances représentatives du personnel. En effet, les élus suppléants ne pourront plus siéger aux réunions, les cas d’expertise du CE sont revus à la baisse, la création de la DUP est assouplie et des non syndiqués pourraient se présenter dès le 1er tour.

La droite Sénatoriale ne s’est pas montrée soucieuse du respect des équilibres politiques, alors que la volonté du Gouvernement était de rendre le dialogue social dans les entreprises plus vivant, plus performant et plus efficace.

Le texte du Gouvernement répondait à deux exigences, l’une démocratique : il s’agissait de développer notre démocratie sociale avec les commissions paritaires régionales.

L’autre d’efficacité économique, au travers de la mise en place d’un cadre favorable à l’emploi, en faisant progresser l’égalité professionnelle au sein des entreprises.

Le texte proposé n’étant pas porteur des changements nécessaires pour moderniser le dialogue social et ne satisfaisant ni à l’exigence de démocratie ni à celle d’efficacité, nous ne pouvons pas, aujourd’hui le voter. C’est pour toutes ces raisons que le Groupe socialiste s’abstiendra.

Le mardi 30 juin 2015

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