Proposition de loi sur le transport aérien de passagers

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes cher(e)s collègues,

La proposition de loi qui nous est présentée porte sur le transport aérien de passagers. Aujourd’hui, on peut se poser la question suivante : pourquoi cette loi ? Pourquoi dans la loi du 21 août 2007, dite du « service minimum dans les transports », vous avez exclu le transport aérien ? Pourquoi l’avez-vous exclu pendant ces cinq dernières années et maintenant il faut absolument passer cette loi en procédure accélérée ?

C’est de la pure et simple provocation ; vous ne réussissez qu’à déclencher des conflits. On sent que les élections arrivent…Vous précipitez et forcez les choses… Belle démonstration de dialogue social !

En 2007, vous estimiez que cela ne pouvait concerner que les transports terrestres car ils assurent une mission de service public, alors que les transports aériens concernent des entreprises privées. Ainsi, vous voulez réglementer, aujourd’hui, le droit de grève dans des entreprises privées. Vous dites que vous voulez instaurer le « service minimum », mais il n’en est rien. C’est une loi qui encadre l’exercice du droit de grève ou plutôt qui le restreint. Exactement comme dans la loi du 21 août 2007, qui n’était pas une loi sur la mise en place d’ « un service minimum ». En effet, les dispositifs en vigueur instaurent une déclaration préalable, et non « un service minimum ».

Or, les contrôleurs aériens, s’ils ne sont pas soumis à une déclaration préalable, sont déjà astreints à un « service minimum » contraignant. OUI, les conditions d’exercice du droit de grève des contrôleurs sont déjà très cadrées.

Je rappelle que le droit de grève est un droit constitutionnel, conquis par les contrôleurs aériens. Il leur a été retiré en 1964 et il ne leur sera rendu qu’en 1985, assorti d’un « service minimum » régi par une loi spécifique. Donc, comme je le disais le service minimum existe déjà pour le transport aérien. Il permet d’assurer, par exemple, les vols d’Etat, de défense nationale, de sauvegarde des personnes et des biens, la moitié des survols du territoire français par les vols internationaux, le trafic suisse à l’aéroport de Bâle-Mulhouse. Donc, le but de ce texte n’est pas d’instaurer un service minimum, mais bien d’encadrer le droit de grève ou plutôt de le remettre en cause. Par ailleurs, la prévention des conflits par le dispositif d’alarme social existe déjà sous la forme d’une « charte », en vigueur depuis 2009. Donc, je le répète, pourquoi cette loi aujourd’hui ?

Quant à l’obligation pour les grévistes de se déclarer individuellement quarante-huit heures à l’avance, il s’agit d’une mesure inacceptable, permettant un fichage et empêchant de développer le dialogue social. Si il y a grève, c’est que le dialogue social n’a pas été installé. La Gouvernement a choisit de passer en force et le conflit est arrivé avec les grèves de la semaine dernière.

Monsieur le Ministre, je vous suggère de lire le rapport que j’ai publié avec Joël Bourdin sur la prospective du pacte social dans l’entreprise. Nous présentons le malaise dans les entreprises et des propositions pour restaurer la qualité de l’emploi et du travail.

Actuellement, les nouvelles organisations du travail et de management sont néfastes. Elles sont trop orientées par une logique financière de court terme, elles engendrent un stress accru. Ce réel inconfort des salariés est préjudiciable à la performance des entreprises.

Le management exerce des tensions renforcées sur le travail. On observe de plus en plus une flexibilisation des salaires et des emplois qui a pour conséquence une explosion des inégalités de répartition qui mine le contrat social dans son ensemble. Et bien évidement, toutes ces variables pèsent sur les salaires tout en permettant aux propriétaires du capital de défendre efficacement leur part du revenu national. Vous avez décidé de proposer ce texte suite aux mouvements de grève de décembre dernier. Pourquoi, par exemple, les agents de sûreté ont lancé cette grève ? Pour avoir de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail car celles-ci se dégradent de plus en plus. Oui, il y a une précarité de leur emploi et une faiblesse de leurs rémunérations qui les empêchent de vivre dignement. Et personne ne veut l’entendre ! Donc pas de dialogue social, et par conséquent grève. Je cite les propos d’un agent en décembre dernier : « Nos conditions de travail empirent chaque jour, on subit de plus en plus de pression, on est de moins en moins nombreux sur les filtres, et notre pouvoir d’achat ne cesse de baisser ». Que fait Monsieur Sarkozy, Président du Pouvoir d’achat ?

On voit bien, ici, qu’on va vers l’effritement du droit social du travail. L’emploi devenant un bien rare, le rapport de forces dans la négociation devient radicalement déséquilibré, et ce, aux dépens des salariés. Il est important de revaloriser le travail, tant financièrement que qualitativement, tout en respectant « les mécanismes du marché ». Il faut réguler les excès de concurrence. Il s’agit de favoriser un développement continu du capital humain. Il est essentiel d’impliquer les salariés dans toute « conduite du changement ».

Comme vous le savez, sans une amélioration significative du Pacte social dans l’entreprise, dans le sens d’une meilleure reconnaissance des salariés et d’une revalorisation du travail, l’économie et la société pourraient s’exposer à de sérieux revers dans les prochaines années.

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