Projet de Loi de Finances pour 2012 / Mission santé

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes cher(e)s collègues,

La mission santé, que nous examinons aujourd’hui, affiche une progression de ses moyens, mais en réalité, en y regardant de plus près, on s’aperçoit que ces moyens restent quasi stables. Il n’y a, en fait, aucune augmentation. On ne réalise que des transferts. Comme l’a dit le rapporteur, le Député Gérard Bapt : « on se contente de déshabiller Pierre pour habiller Paul » !

Les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » sont en augmentation, mais en fait cette augmentation est surtout allouée aux crédits « Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires », et plus particulièrement destinée à l’Etablissement public de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).

Dans cette mission Santé, je regrette que les crédits de l’action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » soient en diminution de 4 %, alors que les scientifiques s’inquiètent de la hausse des maladies chroniques tels que les cancers, le diabète, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires. Pourquoi cette rigueur budgétaire ? Selon la Fédération internationale du diabète, une augmentation de 55 % du nombre de diabétiques en France est prévue en 2025. La prévention des maladies chroniques est essentielle ; et elle permettrait sur le long terme de faire des économies.

Il est également surprenant de voir que les crédits de l’action « Pilotage de la politique de santé publique » soient en recul de 2,6%. Et c’est l’Institut veille sanitaire (InVS) qui va en subir les conséquences. Entre 2011 et 2012, l’Institut devait voir son plafond d’emploi diminuer de 6 ETP (équivalent à temps plein), ce plafond se verra finalement diminuer de 11 ETP, soit 5 ETP supplémentaires. Les moyens ne sont pas à la hauteur des besoins. En effet, la progression des maladies chroniques et des problématiques de santé environnementale justifierait de consacrer une part plus importante de budget. Au moment où cet institut est de plus en plus sollicité, on le soumet à la rigueur, alors qu’il faudrait, au contraire, le doter des moyens structurels nécessaires.

Autre rigueur surprenante : les crédits d’intervention des Agences Régionales de Santé (ARS) subissent une baisse de 3,6%. Les plafonds d’emplois des ARS sont en diminution. De 2011 à 2012, on observe 163 suppressions d’emplois. Ces 26 agences, qui ont été créées en avril 2010 pour remplacer les anciennes agences régionales de l’hospitalisation, ont en charge la politique sanitaire au niveau territoriale et héritent de compétences larges. A partir de 2012, les crédits seront intégrés dans les projets régionaux de santé et dans les schémas régionaux de prévention, alors qu’auparavant ils étaient répartis entre les différentes actions du programme « Prévention et sécurité sanitaire ». L’inconvénient de cette nouvelle présentation « globalisée » est qu’elle ne permet plus l’identification immédiate des objectifs de santé publique ainsi soutenus. Il y a une véritable opacité. Comme l’an passé, on doit constater que le suivi des crédits des ARS reste largement à améliorer. Si l’on peut admettre que le statut des ARS et leur autonomie leur confère une liberté de gestion qui ne permet pas une présentation en détail de leur financement, il demeure toutefois nécessaire de conserver une certaine visibilité et de renforcer l’information concernant les crédits qui leur sont destinés. On peut, à cet égard, déplorer que le questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur spécial du Sénat, Jean-Pierre Caffet, visant à connaître les crédits globaux alloués aux ARS soit resté sans réponse sur ce point. Il serait également utile qu’en amont de l’examen du projet de loi de finances initiale, une information soit consolidée sur l’ensemble des crédits destinés aux ARS.

Ainsi, nous ne sommes pas favorable au budget que le Gouvernement nous propose pour la mission Santé. Je souhaiterais évoquer, ici, les inégalités en matière de santé. En effet, il existe, aujourd’hui, en France de larges inégalités sociales en matière de santé et de mortalité. Et ces inégalités s’accroissent de plus en plus. La France est le pays où les inégalités de santé sont les plus fortes entre les sexes, les catégories sociales et les zones géographiques. Les plus instruits, les catégories de professions qualifiées et les ménages les plus aisés bénéficient d’une espérance de vie plus longue et se trouvent en meilleure santé. Les patients issus de milieux favorisés ont 1,5 à 2 fois plus de chance de guérir que les autres. Autre exemple, le taux de prématurité varie du simple au triple en fonction du niveau scolaire de la mère. Les inégalités apparaissent précocement puisque, dès l’école, on détecte des différences dans la prise en charge des troubles de la vue, des caries dentaires et dans l’apparition du surpoids.

Ces dernières années, le Gouvernement a aggravé les inégalités et a abîmé le système de santé et de protection sociale des Français. On a fait de la santé un luxe pour de nombreux Français. 1 Français sur 4 renonce à se soigner pour des raisons financières. Le gouvernement a multiplié, depuis 2002, les forfaits, les franchises et les déremboursements.

Le gouvernement ne fait rien pour trouver des solutions face aux problèmes majeurs rencontrés par les Français : les dépassements d’honoraires, l’allongement des listes d’attente, la difficulté à trouver un médecin le soir ou le week-end, etc. Quotidiennement, les français sont confrontés à ces problèmes. C’est une réalité. Le problème des dépassements d’honoraires est un obstacle à l’accès aux soins. Les « déserts médicaux » se multiplient à la campagne et en banlieue. Ces problèmes existent depuis longtemps. Que fait le Gouvernement ? Ces disparités françaises peuvent s’expliquer par une politique de santé principalement axée sur l’accès aux soins « plutôt que sur la promotion de la santé ». Face à toutes ces inégalités, la prévention peut jouer un rôle important. Elle doit devenir une priorité en matière de santé publique.

Comme le mentionne la Cour des comptes, on ne dispose pas de vision globale des moyens consacrés à la prévention. Elle critique également le mode gestion et l’organisation du système de santé en France, qui, à force de complexité, en devient « opaque ».

L’état des lieux est alarmant : les dépenses sont mal connues, les orientations et des priorités mal définies, des insuffisances sont dans le pilotage de la politique et des acteurs de la prévention, et l’évaluation de la politique de prévention est limitée.

L’efficacité d’une stratégie préventive est appréciée en prenant en compte la durée de la vie et la qualité de la vie des personnes auxquelles elles s’appliquent. La santé est un bien collectif, et non une responsabilité individuelle.

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