Projet de loi Droit et protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et modalités de leur prise en charge

INTERVENTION SUR ARTICLE 1    : Modalités de prise en charge des personnes faisant l’objet de mesures de soins sans leur consentement et contrôle de ces mesures par le juge des libertés et de la détention

Cet article porte sur les modalités de prise en charge des personnes faisant l’objet de mesures de soins sans leur consentement et contrôle de ces mesures par le juge des libertés et de la détention. Cet article est au cœur de la réforme. Malheureusement, cette réforme s’inscrit à la suite d’un fait divers à Grenoble et créé, aujourd’hui, de nouvelles conditions d’hospitalisation et de soins sous contrainte. Une minorité de patients sont concernés et ce texte ne résout pas les nombreux problèmes actuels de la psychiatrie.

Ce texte s’articule principalement autour de préoccupations sécuritaires qui vont jusqu’à étendre la contrainte aux soins ambulatoires. On s’oriente vers l’élargissement de la prise en charge sans consentement et vers la difficulté de plus en plus grande pour les patients de sortir des hôpitaux.

On peut se demander si l’obligation des soins c’est-à-dire obliger la personne à venir aux consultations ne va pas renforcer son angoisse du soin et de la braquer un peu plus.

Suite à une circulaire de 2010, adressée aux préfets pour leur demander de redoubler de précautions avant d’autoriser les personnes en hospitalisation d’office à bénéficier de sortie d’essai accordées par les médecins, de nombreux préfets refusent systématiquement les sorties préconisées par les médecins.

Malheureusement, avec ce texte on renforce les prérogatives des préfets pour maintenir à l’hôpital des patients qui médicalement pourraient sortir. Il n’est pas tolérable de laisser des gens dans un lieu pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les soins. Et même si le texte prévoit que le juge se prononcera régulièrement sur toutes les hospitalisations sous contraintes (d’abord au 15ème jours, puis tous les 6 mois), c’est toujours le préfet qui aura le dernier mot car il pourra faire appel de la décision du juge via le parquet.

Il est inacceptable de renforcer l’intrusion étatique dans le contrôle de soin. Car il s’agit bien, ici, de donner la priorité à la défense de l’ordre public. Par ailleurs, la liberté individuelle préservée par la présence du juge dans le dispositif ne nous rassure pas car la justice est déjà bien encombrée. De plus, ce projet de loi prévoit la possibilité de garder un malade en rétention pendant 72 heures à son arrivée à l’hôpital pour l’observer. Cette garde à vue qui devrait permettre de décider des modalités de soins, est devenue une « garde à vue psychiatrique », apparemment sans garantie particulière pour le patient.

On veut donc stigmatiser la maladie mentale pour faire peur aux gens. On assiste à un principe qui porte sur la contrainte et supprime le consentement et la confiance, nécessaires pour la thérapie. Par ailleurs, ceux qui travaillent auprès des malades, non seulement ils dénoncent la complexité de légiférer sur l’obligation des soins, mais informent aussi, que lorsque l’hospitalisation des soins est forcée, il y a plus d’échecs.

Ils dénoncent également la possibilité de pratiquer des soins sans consentement au domicile d’un patient. Pour eux, c’est résumé les soins à la contrainte et aux seuls traitements médicamenteux. Alors que depuis de nombreuses années, ils travaillent sur la confiance et le consentement. La seule solution ne repose pas uniquement sur l’enfermement des malades, qu’il soit physique ou chimique.

Et enfin, je souhaiterais évoquer, ici, le problème d’un « casier psychiatrique ad vitam aeternam ». Il ne permet pas aux personnes victimes de troubles mentaux la réintégration dans la société. Il est essentiel d’instituer un « droit à l’oubli » pour les antécédents psychiatriques. Il ne faut pas dépasser les dix ans.

Pour conclure, on s’aperçoit, avec cet article qu’on souhaite davantage garantir la sûreté des non-malades que des malades eux-mêmes, tout en insistant sur l’importance du rôle du préfet.

Il est certain que la question du trouble de l’ordre public prédomine sur la question de la qualité des soins. Les professionnels souhaitent un grand plan pour la santé mentale et non une réforme sécuritaire. Il devient urgent de traiter la psychiatrie d’une manière thérapeutique avec une volonté politique et des moyens. En effet, les malades ont besoin d’un accompagnement humain de qualité et pour cela il faut des moyens humains.

INTERVENTION SUR ARTICLE 3    :  Admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande du représentant de l’Etat

Cet article porte sur l’admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande du représentant de l’Etat. Le préfet peut donc décider de la forme de prise en charge en fonction des exigences relatives à la sûreté des personnes, mais aussi liées à l’ordre public. Ici, on voit combien les troubles mentaux sont assimilés, de nouveau, à une supposée dangerosité.

Lier systématiquement la maladie mentale aux atteintes à l’ordre public met en exergue le penchant du gouvernement à ne traiter la question des soins psychiatriques que de manière sécuritaire, au détriment des personnes souffrant de ces pathologies.

En cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet, le juge de la liberté et de la détention arbitre. Cependant, on peut se demander si ce juge aura matériellement le temps de prendre connaissance du dossier du patient, et ainsi, d’effectuer le choix qui s’impose. Par ailleurs, le juge ne peut pas remplacer un médecin. Il n’a pas la formation adéquate pour dire s’il faut hospitaliser ou pas. Il s’agit bien, ici, de soins c’est-à-dire la difficulté de définir la maladie mentale qui est complexe. De plus, comme je l’ai dit précédemment, le préfet pourra toujours faire appel de la décision du juge via le parquet. Ce texte renforce donc bien le rôle du préfet et la priorité qui est donnée à la défense de l’ordre public. C’est le préfet qui tranchera toujours en dernier recours.

Il est regrettable de voir que la question du trouble à l’ordre public prédomine sur la préoccupation de la qualité des soins. Il ne s’agit pas d’un projet de soins mais d’un engrenage portant atteinte aux libertés fondamentales.

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