Divergence d’interprétation concernant l’exercice du droit d’option des travailleurs frontaliers ayant leur activité en Suisse
Question n° 16248 adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes transmis à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
Publiée le : 14/05/2015
Texte de la question : Mme Patricia Schillinger attire l’attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les règles qui encadrent l’accès à l’assurance maladie des travailleurs frontaliers exerçant en Suisse. Alors que, selon le droit communautaire, c’est l’affiliation au régime d’assurance maladie du pays d’emploi qui prévaut, la Suisse, dans le cadre de l’accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes conclu avec la Communauté européenne, accorde aux travailleurs exerçant une activité en Suisse et qui résident en France la faculté d’être exemptés de l’affiliation obligatoire au régime suisse d’assurance maladie (LAMal) et leur ouvre dès lors le bénéfice de l’assurance maladie française. Les frontaliers, qui avaient fait le choix d’être assurés en France, disposaient en outre de la faculté de souscrire à une assurance maladie privée, une disposition particulière ouverte pour une durée de sept ans, puis prorogée en 2006, et arrivée à son terme le 31 mai 2014. Les décrets n° 2014-517 et 2014-522 du 22 mai 2014 et une circulaire du 23 mai 2014 organisent le passage progressif de ces travailleurs, du régime privé d’assurance maladie au régime français d’assurance maladie. Ainsi, tous les travailleurs frontaliers ayant souscrit un contrat d’assurance privée devraient avoir rejoint l’assurance maladie française au plus tard le 31 mai 2015. Toutefois, le postulat selon lequel les travailleurs frontaliers ayant souscrit des contrats privés d’assurance maladie auraient, de ce simple fait, exercé valablement leur droit d’option, semble être remis en cause. En effet, selon un arrêt du 10 mars 2015, le tribunal fédéral considère que, pour faire valoir valablement son droit d’option, le frontalier concerné doit, dans les trois mois à compter de son début d’activité en Suisse, avoir renvoyé au service cantonal de l’assurance maladie le document indiquant son choix de régime d’assurance maladie. Une personne ne pourrait donc pas, du simple fait de sa souscription à une caisse privée d’assurance maladie, être considérée comme ayant exercé de manière irrévocable son droit d’option. Aussi, elle lui demande quelles conséquences le Gouvernement tire de l’arrêt du tribunal fédéral. Elle lui demande s’il entend, comme le suggère l’arrêt, laisser aux frontaliers actuellement inscrits auprès de caisses privées mais n’ayant pas encore fait valoir explicitement leur choix pour le régime d’assurance maladie de l’un ou l’autre pays, la possibilité de rejoindre le système suisse d’assurance maladie.
Réponse de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
À publier le : 12/05/2016, page 2000
Texte de la réponse : Le Gouvernement a mis en place le cadre nécessaire à l’intégration des frontaliers de la Suisse dans le régime général de sécurité sociale sur critère de résidence depuis le 1er juin 2014. Les frontaliers ayant eu la possibilité d’aller au terme des contrats d’assurance en cours, ce processus d’intégration a pris fin le 31 mai 2015. Cette intégration s’est déroulée dans de bonnes conditions, grâce, d’une part, au dispositif d’assouplissement qui a été adopté par le Gouvernement pour assurer la continuité des soins des frontaliers et, d’autre part, à l’organisation opérationnelle dans les organismes de sécurité sociale. Concernant le choix du pays d’affiliation, la règle qui a toujours prévalu depuis les accords entre l’Union européenne et la Suisse est que le choix fait par un travailleur frontalier est définitif, tant que la situation du travailleur frontalier n’a pas changé, par exemple, une période de chômage ou un départ à la retraite. Une décision juridictionnelle suisse a considéré que le choix d’affiliation d’un travailleur frontalier allemand, dans son pays de résidence, devait avoir été formulé de façon expresse et formelle pour être définitif. Elle a toutefois semé quelque trouble, la notion de « choix exprès et formel » ou de décision tacite pouvant donner lieu à des appréciations différentes, les cantons suisses ayant eu jusqu’en 2013, des procédures diverses pour formaliser le choix d’affiliation des travailleurs frontaliers, voire pas de procédure formelle du tout. Or, une décision juridictionnelle suisse ne peut pas produire d’effet direct en France. La diversité des pratiques administratives des cantons suisses pour formaliser le choix d’affiliation des travailleurs frontaliers ne saurait avoir de conséquence sur les règles d’affiliation, et les travailleurs frontaliers qui avaient fait le choix d’une couverture maladie en France, y compris auprès d’une assurance privée, avaient bien fait un choix exprès et formel puisqu’ils avaient accompli des démarches auprès d’un assureur. En conséquence, la France a estimé que c’est donc à bon droit que l’assurance maladie a refusé les demandes de radiation déposées par des travailleurs frontaliers ayant demandé leur affiliation à la LAMal à la suite de ce jugement suisse. Dans ce contexte et soucieux de mettre un terme aux situations de double affiliation dans lesquelles certains travailleurs frontaliers ont cru bon de se placer, le Gouvernement a saisi les autorités suisses afin qu’il soit mis fin à ces doubles affiliations. Une démarche a également été effectuée auprès du comité mixte entre l’Union européenne et la Suisse pour examiner les mesures appropriées, sachant que la situation est complexe, la Suisse n’étant pas membre de l’Union européenne. Des discussions sont en cours avec les autorités suisses afin de conclure un accord permettant de régler cette situation.